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Villa Finaly / Florence

INTRODUCTION

A mesure que s’essouffle la dynamique de l’intégration européenne, que le rapprochement des peuples attendu par les pères fondateurs trouve sa limite dans l’absence de perspective politique concrète, comme trouve la sienne le mode technicien d’intégration qui en est peu à peu devenu le succédané, à mesure surtout que le jeu des égoïsmes et des intérêts nationaux étroitement compris réinvestit les négociations et les décisions institutionnelles, donnant aux élargissements successifs le caractère d’une paralysie, la question d’un désir réel de vivre ensemble au cœur du projet européen, et de l’existence d’une communauté effective au sein de l’Union, se pose avec une acuité plus inquiétante.

L’usage commun d’une langue, l’héritage de civilisation et les modes de pensée qui lui sont attachés, ont souvent accompagné, et parfois inspiré, la formation des Etats-Nations. Là où ils font défaut, la question linguistique devient partie intégrante des logiques centrifuges qui menacent l’existence même de certains Etats. Derrière l’effort maintenu des institutions européennes pour respecter la diversité linguistique de l’Union, dans le travail d’élaboration de normes européennes notamment, effort qui n’a d’équivalent dans aucune autre entité politique au monde, une lassitude, un scepticisme se font jour, relayés par les critiques de ceux qui voudraient que l’Europe se dotât d’une langue de travail – l’anglais. Ce changement est présenté comme une nécessité, voire comme la prise d’acte d’une évolution déjà largement engagée.

Cette notion de langue de travail mérite qu’on l’interroge : qu’inclut-elle, en réalité, quand est en cause une communauté politique, au-delà de sa dimension fonctionnelle ? Langue des réunions et des enceintes spécialisées ? Langues des normes et des lois ? Langue de la parole et du débat politiques, du forum, de la discussion commune ? Et si son champ est restreint, comment s’articule-t-elle avec la préservation de la diversité linguistique dans d’autres espaces d’échange et de débat ?

A l’inverse, tous ceux qui voient dans la diversité linguistique une richesse, et dans la traduction le lieu d’une expérience unique et féconde, d’une traversée où la pensée s’enrichit en se risquant à la langue de l’autre, doivent accepter de se confronter à la difficulté que la question linguistique ajoute à celles qui paralysent peu à peu l’intégration européenne, à la méfiance des petits Etats, qui souvent préfèrent paradoxalement la promotion d’une lingua franca à un multilinguisme soupçonné de ne profiter qu’à quelques langues – au premier rang desquelles le Français – à l’angoisse de ceux qui craignent que l’Europe, en choisissant la multiplicité des langues, n’ajoute à sa propre confusion, et ne demeure cet espace ingouvernable qui paie de plus en plus cher, dans les rapports de force qui façonnent le monde, son incapacité à parler d’une seule voix.

PROGRAMME

Samedi 19 novembre 2011

9h30 – 13h00 Les langues de l’Europe

Accueil et introduction
Cyril Roger-Lacan, président de Celsius, et Jean-Michel Glachant, professeur à la Chaire Loyola de Palacio de l’Institut Universitaire Europeen de Florence

Climbing up the Babel Tower
Charles Ratte, enseignant en lettres classiques, Université Paris IV-Sorbonne

Comment refonder une identité latine des langues européennes?
Cécilia Suzzoni, présidente de l’Association “Le latin dans les littératures européennes”

L’enjeu éthique et politique de la traduction dans le débat entre les Lumières et le Romantisme allemand
François Thomas, doctorant en philosophie

La justice linguistique et l’Europe
Philippe van Parijs, responsable de la Chaire Hoover d’éthique économique et sociale, Université de Louvain

15h00 – 18h00 L’Europe des langues

La construction de l’ordre juridique de l’Union Européenne et le multilinguisme
Jean-Louis Dewost, ancien directeur juridique à la Commission européenne

De la pluralité à la qualité : vertus de la traduction dans le processus législatif européen
Dorothée Cailleux, traductrice, maître de conférences à l’université Paris Ouest Nanterre-La Défense

Identité et communication juridique dans le cadre européen: l’interprétation et la traduction des textes rédigés dans plus d’une langue
Anna de Vita, professeur de droit comparé, Université de Florence

How languages shape Europe’s constitutional future: The drifting semantics of the supranational discourse under negotiation
Izabela Jedrzejowska, juriste-linguiste

18h00 – 20h00 Projection du film « La femme aux cinq éléphants »
(allemand sous-titré en français)

Dimanche 20 novembre 2011

10h00 – 13h00 La traduction est-elle la langue de l’Europe ?

Trādo – trade – traduire: la scène théâtrale comme lieu d’échange du savoir
Anna Maria Meo, musicologue et organisatrice d’évènements culturels

Embedding unity in diversity: multilinguism and the Indian experience
Uday Bashkar, security analyst and former director, Institute for Defense Studies and Analyses, New Delhi

It’s not about language, really
Ubaldo Stecconi, traducteur et sémiologue